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Arrêts
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Je voudrais donc faire ici deux arrêts sur image.
Le premier pour en revenir aux origines, le second pour marquer le point
de départ de la modernité de cette notion. Ma première démarche sera de rendre un hommage au fondateur de la propagande politique qui n'est ni Goebbels, ni Machiavel, ni Gengis Khan, ni l'Eglise qui sait mieux faire son service après vente que sa campagne de lancement mais le serpent de la Bible. |
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Je reprends les faits. Le serpent présente la pomme
à Eve. Il crée la stratégie du désir. Il invente
la publicité. Mais il convainc ensuite Eve de faire adopter la
pomme par Adam. Il transforme donc sa cliente en leader d'opinion, il
invente la propagande. Après il y a un temps assez long puisqu'il faut attendre la campagne présidentielle de Jacques Chirac en 1995 pour que la pomme redevienne la métaphore politique par excellence. Entre le serpent et Chirac il y a une une histoire de la promotion politique à reconstituer. |
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Le second arrêt sur image se propose de rendre hommage
au créateur du marketing politique qui n'est ni Jacques Séguéla
ni une firme de consultant américain mais un personnage aujourd'hui
bien décrié et qui pourtant a compris comment on vend une
image de marque présidentielle, je veux parler de Louis-Napoléon
Bonaparte, premier président de la République française
élu au suffrage universel dans la première élection
présidentielle, celle de 1848, et qui se fait proclamer empereur
trois ans après, pratiquement sans effusion de sang, ce qui n'est
pas très glorieux pour la République. Donc, questions pour
un champion ! Comment, quand on est le neveu d'un empereur qui n'a
pas laissé que de bons souvenirs aux partisans d'une République
qu'il avait confisquée, peut-on cinquante après se faire
élire par un pays républicain? Il y a là un problème
de comm, non ? Le futur Napoléon III y avait probablement longuement refléchi pendant son séjour forcé au fort de Ham de 1840 à 1846. En tout cas il savait comment on court sur une longue distance. Quand on a un handicap au départ, il faut un plus pendant le parcours. Le handicap c'était d'avoir un nom impérial dans un régime placé sous le signe de la liberté et de l'égalité, le plus ce fut de jouer sur deux ressorts décisifs de communication : la légende et l'image, et notamment d'utiliser les images d'Epinal de son illustre oncle, Napoléon Premier. Alors que ses concurrents faisaient dans le traditionnel, distribuant des tracts compliqués à une population dont près de la moitié était analphabète, collant des affiches aussitôt recouvertes par leurs adversaires, organisant des meetings dans les villes où ne venaient que des citadins convaincus, le prince, lui, construisait son image de marque. Il faisait distribuer gratuitement des images, des caricatures, des brochures illustrées, des médailles, des calendriers, (on était en décembre !), des bulletins de vote à son nom, et des affiches où son portrait était entouré de lettres très républicaines que lui avaient adressées Louis Blanc, George Sand, ou le chansonnier Béranger. Il faisait du marketing politique. Reprenons les faits. Quand la République est instituée en février 1848, le futur Napoléon III déclare en privé "la République est proclamée, je dois être son maître"; il y croit, il est le seul. Aux législatives d'avril il ne se présente pas. Deux de ses fidèles, Persigny et Vaudrey, échouent lamentablement mais trois Bonaparteentrent à l'assemblée : l'oncle Napoléon-Jérôme, Pierre Bonaparte, fils de Lucien Bonaparte, et Lucien Murat, fils de Caroline Bonaparte. Le prestige du nom ! aux législatives de juin, le Prince est élu dans quatre départements. A cette époque on pouvait se porter candidat dans plusieurs circonscriptions à la fois. Il a obtenu ses suffrages dans les campagnes mais aussi dans les villes, notamment des voix ouvrières car il avait publié L'extinction du paupérisme, un ouvrage progressiste, fumeux, et idyllique mais seul le titre compte, et non pas le contenu. Les premières manifestations en sa faveur commencent; l'assemblée s'en inquiète. Le poète Lamartine qui est aussi ministre lui rappelle que personne ne l'a réclamé et lui suggère de repartir à l'étranger. Finalement le prince démissionne le 15 juin. Et le hasard le sert! Le lendemain 16, éclate l'insurrection des ouvriers des ateliers nationaux matée par le général Cavaignac, son futur adversaire à la présidentielle. Cette répression sanglante effraie les républicains modérés, désespère la gauche républicaine et attise la rancoeur des ouvriers. Le prince n'y a pas pris part. Aux élections partielles de septembre, il est réélu dans cinq départements. Cette fois il décide de sièger à l'assemblée. A gauche. Le 12 octobre le prince annonce sa candidature, met en place un comité central électoral, constitue un secrétariat. Il a de l'argent frais et surtout des idées simples. Il se recommande d'un passé glorieux. Son nom est connu de toute la France. Mais il est aussi un homme nouveau alors que ses adversaires ont leur carrière derrière eux. C'est un rassembleur, les autres sont des hommes d'appareil. Le Prince, c'est donc le passé, le présent et l'avenir de la France. Il apparait comme un sauveur pour tous les mécontents : les paysans furieux des mauvaises récoltes et de l'augmentation des impôts, les boutiquiers en faillite, les rentiers affolés et les entrepreneurs ruinés, les ouvriers réduits au chômage et les Républicains écurés par l'insurrection. Il aura également pour lui la droite dont les chefs se sont ralliés faute de mieux à un homme d'ordre qui n' a pas les mains salies par la Révolution de 48 ni l'insurrection de juin. Handicap supplémentaire il lui faut passer au premier tour, car les rédacteurs de la constitution par peur du suffrage universel avaient édicté que si aucun candidat n'obtenait la majorité absolue, l'Assemblée nationale choisirait entre les candidats. |
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Le scrutin a duré deux jours. Il en
a fallu huit pour connaître les résultats. Cette consultation
a énormément mobilisé la population puisqu'il y a
eu au total 7,5 millions de votants soit 76% du corps électoral.
Et le prince Louis-Napoléon Bonaparte est élu premier Président
de la République Française avec environ 5 millions de voix
soit 72% des suffrages, dépassant de très loin la majorité
absolue. Les autres candidats sont très loin derrière ;
le général Cavaignac a recueilli moins d'un million et demi
de voix, Ledru-Rollin candidat de la gauche républicaine 370 000,
le socialiste Raspail 37 000, et le poète Lamartine 18 000.
Le prince est en tête dans tous les départements sauf quatre.
Et voici le communiqué du Prince président, qui parle de
lui-même à la troisième personne. "5 600 000 suffrages viennent de le porter à la Présidence de la République. Il a juré de se consacrer au salut et au bonheur de la France. Son intelligence est des plus cultivées. Son cur est des meilleurs. Sa loyauté est chevaleresque. Il doit faire le bonheur de la France car il a compris que la plus grande gloire qui soit réservée à un citoyen, c'est de s'appeler Napoléon Bonaparte et de sauver la République." Je n'invente rien. Ce texte est une partie du texte de l'image d'Epinal que le prince-président a fait répandre dans toute la France sous un portrait de lui à cheval. La légende affiche orgueilleusement "Louis-Napoléon Bonaparte, représentant du Peuple, Président de la République Française." On y trouve tous les ingrédients du parfait démagogue : la proclamation d'une exigence, la multiplication des promesses et l'appel au peuple et à la République comme garantie suprême. |
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