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A partir de ces trois animaux, on pouvait décrire trois attitudes emblématiques du racisme. Le racisme c'est la haine, le racisme c'est le mensonge et le racisme c'est la bêtise de ceux qui votent.
Le travail à l'atelier d'arts plastiques a donc été cadré comme cela. Et j'ai dit : maintenant on s'y met, il faut qu'on dessine ces trois têtes d'animaux. Vous avez trois mois pour le faire.
Commence un grand temps de recherche de documentation.
Première tentative sur le chien à partir de documents.
Et un jour quelqu'un est arrivé avec ce document. Je lui ai dit voilà plutôt ce qu'il faut : ce n'est pas un chien qui fait ouah ouah, c'est un chien qui fait rrrrrrah.
Et donc, à partir de ce document, ils ont travaillé, travaillé, travaillé, travaillé et encore travaillé...
Et un jour j'ai dit stop, celui là, il est très fort.
Donc on va le photocopier (encore l'utilisation de la photocopieuse qui permet de multiplier), c'est la base de départ. Et maintenant vous travaillez à partir de celui-là.
Et c'est devenu ça, l'esquisse, modifiée millimètre par millimètre, par découpage.
L'affiche 120 x 176, imprimée en sérigraphie, en cinq passages.
Il va sans dire que c'est un travail qui est très encadré, je suis responsable de la qualité finale vis à vis de la ville qui dépense quand même cinquante mille francs pour cette opération
L'essentiel du travail typographique, c'est quand même moi qui le réalise.
Je donne leur chance aux élèves, ils font des travaux typographiques. Mais ça demande quand même une culture qu'ils n'ont pas, -ce sont des élèves de 4ème et de 3ème, enfin de 3ème essentiellement. Le côté professionnel du travail est quand même dû à mon intervention.
Le plagiat en Allemagne
"Der Spieghel" avait reproduit des images de la campagne à Quimper, et un mouvement écologique allemand, a repris les images sans nous le dire, deux ans plus tard.
Ils ont été gentils, ils ont quand même marqué "d'après une idée des étudiants de Quimper". En fait, je ne vais pas m'insurger, on est très fiers. Le fait que ce soit repris en Allemagne nous conforte dans l'idée que c'était bien une approche originale. Vous voyez, les vaches allemandes font mouss !
Deux ans plus tard, en 93, on a travaillé sur l'alcool.
Non pas l'alcool, faut pas boire, pas de morale... mais l'alcool au volant, la conduite en état d'ébriété, faut vraiment faire attention.
Et là, encore en Bretagne, on n'est pas mauvais dans les statistiques.
Il y a une saine émulation entre le Finistère et le Morbihan pour la palme chaque année, et vraiment, c'est du coude à coude.
Deux en un : double langage et unité de sens
Il y a quelque chose qui me plaît bien dans l'affiche, c'est toujours cette coexistence de deux types de langage : le langage de l'image et le langage du texte. Et le challenge, c'est d'avoir l'amalgame des deux en une seule image.
Une image seule ne dit pas grand chose, le texte seul ne dit pas grand chose, mais l'amalgame des deux dit quelque chose.
Vous voyez cette image, si on ne montre que la voiture (symbole de la voiture), ça veut dire chaussée glissante, si on ne montre que le message "l'alcool tue", c'est un message de tempérance. Si on associe la voiture en train de déraper et "l'alcool tue", ça prend une signification différente.
Voilà les élèves au travail, dans l'atelier d'arts plastiques. C'était en 4ème, qui avait un entrain que j'aimais bien.
Travail de photos. Les élèves dessinaient des voitures froissées, ils avaient certaines difficultés pour arriver à un résultat. Ils ont eu l'idée de prendre des vraies photos, de les froisser, et ensuite de faire des dessins d'après ces images froissées. Et les résultats ont tout de suite été mille fois supérieurs.
Je pars du principe que la base de recherches la plus large possible est une chance de trouver une idée originale. Donc il ne faut pas avoir peur de faire des mauvais jeux de mots, au contraire, il faut cultiver ça. Tout est permis.
Parallèlement à ces affiches, cette année-là, on a fait des travaux sur les panneaux routiers.
On pouvait imaginer de faire une certaine animation avec des panneaux sur des parkings des boites de nuit. Donc il y a eu ces panneaux peints. C'est un projet qui n'a pas eu de suite, mais voilà, ces prototypes sont des vrais prototypes faits par des fabricants de panneaux, sur les projets des élèves.
L'année dernière on a abordé un sujet difficile : la drogue.
Les élèves de 3ème sont très motivés, mais néanmoins ils n'ont pas une grande maturité pour aborder ce problème.
Ça fait deux années que je travaille avec des élèves, dans le cadre de cours normaux, sur la drogue, et je pense que cette année nous allons faire cette production d'image et cette campagne.
En conclusion
Invité à montrer le travail que j'avais fait dans le cadre de cet atelier d'arts plastiques, je ne tiens pas à faire de prosélytisme.
Je ne suis pas sûr que je vais continuer indéfiniment cet atelier, parce que je ne voudrais pas être enfermé ou prisonnier de cette image. Pendant vingt-cinq ans, je crois que j'ai vécu des choses très intéressantes, de belles expériences, mais je n'ai pas la volonté de devenir un institutionnel de cette chose.
Mme Anne Meyer :
"Je suis ravie d'être ici et d'avoir eu le privilège et le grand bonheur de voir cette grande prestation de monsieur Le Quernec.
A la fois une prestation qui renvoie à l'extrême, rare et subtile efficacité d'une personne complètement impliquée dans la vitalité de sa création, et qui a cette capacité à communiquer, et à faire advenir de l'autre ce qui peut faire sens et ce qui peut faire langage.
Je trouve ça extraordinaire, je vous remercie, j'ai vraiment passé un moment jubilatoire."
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