L'exposition
-- -- Interview de Vladimir Dulov
et d'Alexander Faldin

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Gianfranco Torri /
L'exposition "Saint-Pétersbourg à l'affiche" a été réalisée en collaboration avec l'Association des designers de Saint-Pétersbourg. Il serait peut-être utile de présenter brièvement cette association ?
 

Vladimir Dulov / Alexander Faldin /
L'union des designers a été créée à Saint-Pétersbourg en 1987. Elle compte actuellement environ 300 adhérents, dont une dizaine d'affichistes. Cette "Union des designers" se démarque fortement de l'Union des artistes de Saint-Pétersbourg fondée en 1932. Celle-ci compte 2000 adhérents et comprend diverses sections : peinture, sculpture, graphisme, arts décoratifs et arts appliqués, théâtre, cinéma et affiches. La section "affiches", formée en 1975 représente environ 60 membres.
L'exposition "Saint-Pétersbourg à l'affiche" a été préparée par la récente Union des designers que caractérise une structure souple (non encore bureaucratique!) qui a rendu possible sa réalisation.
GT / Quels sont selon vous les auteurs d'un intérêt majeur qui ont travaillé à Saint- Pétersbourg depuis le début des années 1980 et qui sont présents dans cette exposition ?
 
VD / AF / Olga Biantovskaja, Galina Korbut, Galina Teresonok, Victor Kundysev, Georgij Raskov, Jurij Cigirev, Aleksandr Mikol'skij, Aleksej Fimin, Gennadij Kuzov, Petr Kapustin, Vladimir Sestakov sont à notre avis les plus significatifs.
 
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Vladimir Dulov dans son atelier
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GT / Mon impression est que votre travail occupe une place particulière dans la production de ce qu'on pourrait appeler l'école de l'affiche de Saint-Pétersbourg.
Il me semble que la majorité de vos affiches n'a pas été réalisée à la demande de l'Etat ou d'une organisation du PCUS. De ce point de vue votre position est donc assez différente de celle d'autres graphistes comme par exemple Viktor Kundysev, qui affirme avoir toujours travaillé sur requête.
Vous donnez l'impression de travailler d'abord pour vous-même.
 
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"Chacun a le droit de s'exprimer à travers sa culture"
Vladimir Dulov
"Perestroïka"
Vladimir Dulov

VD / AF / Tu as raison les affiches ont été réalisées en premier lieu pour la diffusion de nos propres idées, ce que nous sentions...
 
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GT / Faldin m'avait indiqué, lors d'un précédent entretien, que les difficultés que vous rencontriez avec "Plakat", maison d'édition d'Etat des affiches de Moscou, remontaient aux années 1987-88.
Pour être imprimés et surtout diffusés dans le pays, les projets d'affiches devaient avoir reçu une série d'autorisations bureaucratiques. Ce n'est qu'au bout de ce "parcours du combattant" que les graphistes étaient informés de la décision de retenir ou de rejeter leurs propositions. Le refus de visa signifiait qu'il était impossible de diffuser l'affiche à l'intérieur de l'Union soviétique. (1)
 
VD / AF / La maison d'édition "Plakat" du comité central du PCUS avait le monopole de l'édition des affiches politiques et sociales. Mais plus que la bureaucratie inhérente à la "Plakat", les difficultés venaient de ce que la décision de publication d'une affiche était dans les faits soumise à l'approbation définitive du comité central du PCUS.
Durant la période de la Perestroïka, les affiches les plus intéressantes et les plus critiques n'étaient pas publiées par les canaux officiels. Elles étaient réalisées, la plupart du temps, sous forme d'originaux, de photocopies ou de sérigraphies à faible tirage.
 

"En aucun autre lieu, sinon à l'Agropon"
Vladimir Dulov - Svetlana Faldina - Alexandre Faldin
Un proverbe russe affirme que sept personnes
mangent sur le dos d'une seule qui travaille.

 
 
 
  -- (1) Il nous semble intéressant de faire référence à un article publié en 1988 concernant le statut économique des affichistes politiques en Union soviétique :
L'affiche politique semble bénéficier d'un statut privilégié dans le domaine du graphisme russe. Notamment en ce qui concerne sa rémunération.
En effet elle peut atteindre de 200 à 600 roubles, alors que celle d'une affiche commerciale est de 25 à 120 roubles. Par ailleurs, I'affiche politique peut parfois prétendre relever des "arts majeurs". Souvent présents dans de grandes expositions, les auteurs sont publiquement reconnus voire distingués "artiste émérite" ou "artiste du peuple".
En ce qui concerne la formation, il existe plusieurs chaires spécialisées d'enseignement de l'affiche politique. Les autres domaines du graphisme étant regroupés sous une dénomination générique que l'on peut approximativement traduire par graphisme industriel et de l'emballage .
Mais qu'on ne s'y trompe pas le bénéfice de ce statut particulier a eu les pires effets. Images démagogiques, célébrations des chefs , représentation d'une unanime et compacte adhésion du peuple ; le tout baignant dans un optimisme béat appuyé de slogans du Parti."
(texte paru sous le titre "nous les graphistes" dans le n° 10 de la revue "Esthétique technique", 1988).
 
 
 
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