Le Mois du Graphisme
 
  L' EXPOSITION
Jules Grandjouan naît à Nantes le 22 décembre 1875. Orphelin de père à sept ans, il est élevé par sa mère et ses grands-parents maternels. C’est probablement sa grand-mère, brodeuse de talent (et créatrices de modèles) qui lui donne l’envie de dessiner. Les sujets ne manquent pas, Grandjouan habite quai de la Fosse, lieu privilégié dans l’imaginaire nantais. De sa fenêtre, il a vue sur l’activité maritime d’un port riche d’une population bigarrée.
Après une éducation religieuse traditionnelle, il part étudier le droit à Paris ; il est probable qu’il se lie, pendant cette période, aux milieux de gauche. Il débute néanmoins une carrière de clerc de notaire, à Paris puis à Nantes, tout en donnant quelques dessins à L’Ouest américain et Le Clou. Il se marie en 1897 avec une institutrice militante proche comme lui des milieux ouvriers.
En 1899, il publie son premier recueil de lithographies intitulé Nantes la grise consacré à sa ville natale "cité des brumes". Il est propulsé en même temps dans le monde politique, Le Petit Phare l’engage pour réaliser des croquis d’audience de la révision, à Rennes, du procès du capitaine Dreyfus. Enfin, sa charge contre le général Mercier qu’il publie dans le supplément du Réveil Social en 1900 révèle toute l’ampleur de son style et sa virtuosité graphique. Grandjouan est lancé dans le monde des caricaturistes à la plume sans concession.


 
Jules Grandjouan
Affiche
"Mercier futur sénateur de
la Loire Inférieure" publiée
dans le supplément du Réveil social du 21 janvier 1900
Collection particulière

A partir de cette date il abandonne le notariat et monte à Paris pour présenter ses croquis à Arsène Alexandre "lequel faisait Le Rire et La vie illustrée". C’est une réussite. Son dessin Le rire ne paraît pas aujourd’hui, le dégoût l’a tué paraît en couverture du Rire marquant le début d’une collaboration longue de 16 ans. Dès 1901, il rejoint la palette des célèbres dessinateurs de L’Assiette au beurre rivalisant de talent avec des artistes célèbres tels que Caran d’Ache, Ricardo Florès, Juan Gris, Delannoy, Kupka, Naudin, Steinlen, Van Dongen ou Willette…

Bientôt, grâce à un contexte particulièrement favorable au développement de la presse, aussi bien écrite qu’illustrée, Grandjouan, anarchiste et syndicaliste révolutionnaire, trouve d’autres tribunes auprès de la presse d’information (La Voix du Peuple, Les Temps Nouveaux, La Guerre Sociale, Le Libertaire…). Cependant il s’attache à trouver d’autres supports de propagande d’une plus grande portée populaire, s’intéressant très tôt au domaine de la chanson et de l’affiche et réalise, en 1908, la première véritable affiche politique illustrée consacrée au drame de "Villeneuve-Saint-Georges".
En 1911, Grandjouan est poursuivi par la justice pour des dessins antimilitaristes parus dans La Voix du Peuple. Il est condamné à 18 mois de prison. Préférant l’exil à l’emprisonnement, il se réfugie en Allemagne, à l’école de danse d’Isadora Duncan, puis voyage en Egypte et à Venise. De retour en France en 1912, il est gracié en février 1913 avec l’arrivée au pouvoir de Poincaré. Toutefois il reste absent du débat politique, expose dessins et aquarelles de ses voyages et édite un album de Vingt-cinq reproductions de pastels d’Isadora Duncan.
Pendant la Première Guerre mondiale, Grandjouan, du fait de sa myopie, n’est pas mobilisé et entre dans le service auxiliaire. Sa présence dans la presse est très réduite et ne démarre qu’après le drame du Lusitania, paquebot britannique civil torpillé par un sous-marin allemand.
Il reprend sa plume contestataire, à partir de 1921, pour le communisme et le rapprochement entre la France et la Russie. A la profusion de ses livraisons pour les journaux, revues ou brochures du début du siècle, succède une exclusivité totale pour le Parti communiste. En 1924, Grandjouan se lance dans la bataille électorale ! Il se présente aux législatives dans la première circonscription de Nantes, en tête de liste du Bloc ouvrier et paysan. Les résultats sont décevants, Grandjouan obtient 2 832 voix contre 32 551 en faveur d’Aristide Briand.
En novembre 1930, il est élu représentant en France du Bureau international des peintres révolutionnaires, mais il en est exclu dès le mois de janvier 1931, ayant signé avec Panaït Istrati une déclaration jugée antisoviétique. Grandjouan " refuse de corriger sa faute " et se retire des débats politiques publics après une dernière tentative infructueuse aux élections législatives de Nantes en 1932.