L'exposition
-- -- Tradition et modernité 
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Thierry Sarfis /
Monsieur Wang Xu, vous êtes diplômé de l'Institut des beaux-arts de Canton, (sud de la Chine), section design où vous avez étudié de 1977 à 1979. Le graphisme européen a-t-il influencé le cours de vos études ?
 
Wang Xu /
À cette époque, c'était les débuts de la réforme économique. La seule revue professionnelle européenne consultable était la revue "Graphis". Une revue dont certaines pages étaient recouvertes de papier blanc lorsqu'elles montraient des femmes un peu dénudées. Mais depuis cette époque "Graphis" reste ma revue préférée. J'y suis encore abonné.
TS / La tradition picturale chinoise et la calligraphie ont-elles une place importante dans votre travail ? WX / La Chine a une longue tradition dans les domaines de la calligraphie, de la peinture et du dessin. Cette tradition permet aux Chinois de traiter des sujets associant un point de vue plastique et une conception de l'harmonie de l'univers. C'est notre patrimoine culturel national. Au début, j'utilisais directement la tradition picturale et l'art du dessin. Depuis, je suis entré dans une période où l'analyse critique et l'interrogation priment sur le sujet. Aujourd'hui il est rare que j'emploie de façon directe notre tradition picturale.
 
TS / Quelles personnalités ont le plus marqué votre parcours personnel ? WX / Il y a eu plusieurs étapes.
Pendant mes études, outre Graphis il y eut le journal japonais Idéa. Après, l'influence est plutôt venue des États-Unis, de personnalités comme Walter Landor. Ont également beaucoup compté Kan Tai-Keung et Henry Steiner de Hong Kong, et Kohei Sugiura du Japon.
En Asie, l'influence du graphisme japonais est dominante. Il est partout.
 
TS / Vous inscrivez-vous dans un courant esthétique ? WX / Les courants esthétiques sont en perpétuel mouvement, ils comportent des caractéristiques très différentes. Par exemple, au début, avec l'utilisation des ordinateurs, la mode est venue de Californie : le "New Wave". April Greiman en est l'une des représentantes la plus connue. Je me reconnais également dans le style de la nouvelle génération de graphistes suisses. J'apprécie beaucoup toutes les nouveautés. Je les prends en exemple mais avec une certaine distance. Bien que la forme soit importante elle ne peut supplanter les idées. Si la mode ne montre que des choses formelles et superficielles elle ne dure pas. L'ordinateur était présenté comme un courant esthétique, maintenant il est considéré comme un simple outil de travail. Dans notre pratique, c'est la création qui est primordiale. Le graphiste doit-il avoir un style ? Jusqu'à présent je n'ai pas trouvé de réponse satisfaisante.
 
TS / Quelles techniques préférez-vous ? WX / Depuis longtemps je travaille avec la photographie et le dessin, en tenant compte des contraintes des moyens de reproduction. J'ai déjà parlé de mon rapport aux pratiques artistiques de la civilisation chinoise. Mais je crois que c'est très difficile à expliquer. Par exemple, je considère les schémas "souffle vital" et "Yin et Yang" comme une méthode de vision du monde , c'est-à-dire que la forme porte la contradiction. Quand j'ai ce genre de compréhension je n'ai plus besoin d'utiliser le schéma "souffle vital", je l'utilise à travers son sens.
 
TS / Dans votre travail, vous utilisez rarement le dessin et la technique picturale de la tradition chinoise. Est-ce volontaire ? WX / Ce qui manque le plus à la tradition chinoise c'est le "lavis" d'encre de Chine. Elle utilise l'encre et le papier du Xuancheng. Cette technique offre de nombreuses possibilités mais dans une forme assez monotone.
Kan Tai-Keung de Hong Kong l'utilise depuis longtemps. C'est devenu son style. Notre tradition picturale est à manier avec prudence. Cela ne veut pas dire qu'il ne faut jamais s'en servir.
 
TS / Quelle a été votre première
réalisation ?
WX / Après mes études j'ai travaillé sur une ligne graphique pour des emballages de boites de conserve, logotypes, étiquettes. Une conférence de Walter Landor en 1979 en Chine m'a donné beaucoup d'idées. Il y traitait de l'image de l'entreprise et du graphisme des emballages.
 
TS / Comment est organisé votre travail ? WX / Il y a d'abord la commande avec ses contraintes. Elle coexiste avec une autoproduction dans le domaine de l'édition. C'est là que s'expriment les possibilités créatives. Mon studio compte huit personnes. Le travail d'équipe est important et se nourrit des points forts de chacun.
 
TS / Vous êtes très actif pour faire connaître les graphistes étrangers en Chine... WX / En 1986, quand j'ai commencé l'édition de la revue "Design Exchange" les autorités ne permettaient que très peu d'informations sur l'étranger, notamment sur les sujets graphiques.
Mais travaillant à Hongkong j'avais connaissance du travail de nombreux graphistes étrangers que je désirais faire partager à mes confrères chinois. Henry Steiner m'a beaucoup aidé. Il est devenu notre conseiller éditorial. J'ai du mal à imaginer que "Design Exchange" compte dix éditions.
 
TS / Aujourd'hui quelle est la place du graphisme dans une Chine en plein développement ? WX / Elle n'est pas encore très assurée. La Chine est un pays en voie de développement. La réforme économique date seulement d'une dizaine d'années. Avec l'essor économique, les chinois ont commencé à saisir l'importance du graphisme. Pour conquérir le marché mondial, les produits chinois ont besoin d'une image de qualité et de campagnes de communication efficaces. Avec la réforme économique, le graphisme devrait prendre une plus large place. Certains clients en sont convaincus.
 
Propos de Wang Xu, graphiste à Canton
recueillis par Thierry Sarfis
pour le Mois du graphisme d'Échirolles
(Traduction Liyan Sarfis).

 
Wang Xu
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-- Wang Xu est né en 1955.
Diplômé des Beaux-Arts de Guangzhou, section design en 1979.
En 1986 il part à Hongkong pour suivre une carrière de designer. Revenu à Canton en 1995 il fonde l'atelier Wang Xu & associés.
 
Membre de l'Institut américain d'arts graphiques, de la société internationale des graphistes et de l'association des graphistes de Hong Kong son travail a été sélectionné et récompensé dans plusieurs concours internationaux. Notamment par les biennales d'affiches de Mexico, de Varsovie, de graphisme de Brno où il a obtenu la récompense "Excellence" de l'ICOGRADA.
 
Depuis 1986 Wang Xu a édité et conçu 10 numéros de
"Design Exchange", magazine avec une publication bilingue chinois/anglais abordant les tendances du graphisme dans
le monde.
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