L'exposition
-- Résister par l'image 
Quelques réflexions de Thierry Sarfis
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Je voudrais commencer par une petite contradiction : est-ce qu'il y a plus ou moins d'images aujourd'hui ? On peut vraiment se poser le probème. C'est vrai qu'autour de nous il y a de nombreux signes, de nombreuses associations de signes, de couleurs promues mais y-a-il beaucoup d'images comme nous, graphistes les entendons ? c'est-à dire quelles sont les questions qui sont posées par les images qui nous entourent sur les rapports que nous entretenons avec la société et les rapports que nous entretenons entre nous. On a vu ces dix dernières années un développement important de notre profession sur la base de commandes dites publiques qui avaient pour but de rendre visibles un grand nombre d'institutions et d'entreprises comme cela a été dit précédemment, et parallèlement on a vu disparaître toutes les commandes qui concernaient l'ensemble des gens et l'on a vu apparaître des grosses commandes pour faire des logotypes pour des musées, des ministères, ce qu'on appelle les lignes graphiques, c'est à dire qu'à partir du même signe, on fait des papiers à lettres et toutes sortes de déclinaisons. A côté de cela on a vu disparaître les affiches qui parlaient de vacances, de la santé, du logement, ­ sauf dans quelques petits endroits ­ et ce système de vases communicants aujourd'hui crée des grandes difficultés dans notre profession parce que les lignes graphiques, on n'en fait pas tous les jours et cette source se tarie. Les sujets ne sont pas réapparus car aujourd'hui, il faut poser des questions gênantes : quelle institution accepte la remise en cause de sa finalité, qu'elle soit locale ou nationale, elle devrait être normalement au service d'une population.
La question doit être posée fortement, c'est de la responsabilité de tout le monde, vous avez le droit de demander aux institutions qu'elles posent les questions qui vous intéressent ; arrêter de dépenser des sommes importantes, trop importantes uniquement pour s'auto-satisfaire ; moi j'appellerais cela le ravalement de façade de la bureaucratie. Ils se sont payés des trucs bon chic, bon genre, mais à côté de cela, ce qui nous concerne, ce qui nous intéresse, ce qui nous permet de discuter, de trouver des solutions à des problèmes de société, disparaît. Les graphistes qui sont là pour travailler de ces sujets disparaissent aussi. Il y a eu de nombreux dépôts de bilan ; il faut faire attention et bien dissocier les différents types d'images.
exergue
On travaille dans des secteurs différents et on ne peut pas résister dans tous les secteurs parce que cela n'aurait pas de sens. Résister dans le secteur de la publicité qui est là pour faire de la promotion de marques, ça n'a aucun sens. On peut résister avec des associations de consommateurs pour demander de bonnes informations sur les produits, ce qui n'est pas tout à fait la même chose que les marques, donc se pose le problème de quels sont les secteurs où l'on peut agir, résister tout en continuant à gagner sa vie, il ne faut pas oublier que c'est un problème important. A mon avis cette résistance est possible dans le domaine social et j'exclue volontairement le domaine culturel. On pourra discuter après, de la dérive des "industries culturelles".
 
illustration Aujourd'hui cela n'est un secret pour personne, il existe de nombreux problèmes à résoudre dans notre société. Apparemment il n'y a pas de solution miracle et il y a nécessité d'engager un dialogue entre les différentes parties de la société pour trouver des solutions, notre aspect militant doit se situer dans le cadre de l'intérêt général. Comment trouver une solution dans le cadre de l'intérêt général ? Dans le domaine des images, de la production graphique, nous dans notre atelier nous engageons une démarche de partage de l'information et de démocratisation de l'information ­ faciliter la circulation de l'information. Que les institutions donnent les informations qu'elles possèdent, qu'elles les partagent et qu'elles acceptent la critique de ces informations. Il ne suffit pas aujourd'hui de faire des images qui ont du sens, qui interrogent, il faut faire aussi des supports qui permettent cette circulation de l'information dans les deux sens. Par rapport à "l'ancrage", il n'est pas nécessaire "d'ancrer" une image pour créer du sens, des associations d'images en utilisant des codes différents permettent de créer du sens c'est-à dire un choc émotionnel qui donne du sens. Même si généralement on ne lit pas vraiment le texte on arrive à se dire : ils ont voulu me dire cela et après, on peut éventuellement s'intéresser au texte. Il existe également des images suffisamment fortes qui n'ont pas besoin de texte.
Thierry Sarfis (atelier Zanzibar't)
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