L'exposition
-- Accès direct à Heinz Edelmann
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-- Heinz Edelmann occupe une place prédominante à l'intérieur du graphisme allemand. Et pourtant, il se distingue par la discrétion de sa personnalité et il abhorre l'auto-mise en scène prétentieuse. Même en l'absence de signature, les images qu'il présente au public attirent l'oeil et suscitent tantôt l'égaiement amusé, tantôt le sérieux de la réflexion. La puissance d'expression médiative et la concentration que l'on retrouve dans l'ensemble de son oeuvre ont fait de lui un mythe du graphisme allemand. Ce mythe est-il explicable ? peut être, en tout cas, mis en rapport avec les libertés qu'il prend courageusement par rapport à ses sujets et qui donnent à sa façon de communiquer une efficacité inégalable.
Mais il ne faudrait pas croire que Heinz Edelmann vit en reclus. Il suit au contraire avec un intérêt majeur les remous de la société contemporaine, en politique, culture ou économie. S'il est toujours juste d'affirmer, quatre cents ans après Francis Bacon, que "la science est une force", il faut alors se demander ce que fait Heinz Edelmann de celle-ci et dans quelle direction s'investissent ses connaissances. De fait, depuis son plus jeune âge, il s'est voué à l'expression esthétique ­ celle qui s'offre instantanément au regard et donne son sens immédiat aux textes et aux histoires narrées. Images narratives et signes de l'écriture s'unissent conjointement pour éveiller la curiosité de celui qui les contemple ­ et il ne s'agit pas là seulement de se faire remarquer.
C'est à l'Académie Nationale des Beaux Arts de Dusseldorf, célèbre par l'ancienneté de son renom, que Heinz Edelmann a fait ses études complètes, en peinture, dessin et graphisme ­ et ceci auprès des maîtres les plus expérimentés. Attiré d'abord par la pratique de l'enseignement artistique, il aspira bientôt à des horizons plus larges, quand il prit conscience de l'impact culturel que les médias allaient avoir sur la société nouvelle. Leur expansion se trouvait favorisée par le progrès de technologies propres à améliorer les rapports entre l'émetteur du message et son destinataire. L'engagement de l'artiste, désireux de participer à ce mouvement de société, aurait à s'exprimer à travers la pratique médiatique : hebdomadaires, ouvrages imprimés, affiches, B.D. et dessins animés.
 
Illustrations
   Esquisse préparatoire

Heinz Edelmann a toujours su s'adapter aux différents genres d'imprimés sur lesquels il travaille. Suivant l'endroit où elles sont placées, il donne à ses affiches une diversité spécifique de figures, signes et symboles qui surprennent, font sourire ou font peur. Il instaure un dialogue imaginaire avec le spectateur et il introduit ses idées visuelles dans l'ambiance qui leur convient : rues animées, bureaux, théâtres et lieux d'enseignement. Ses personnages, qu'il appelle lui-même ses "acteurs", ont une force d'émotion "percutante", qui leur donne un charme burlesque, tantôt comique, tantôt ironique. Mais ils peuvent tout autant répandre la sérénité et donner à l'image affichée le rayonnement spirituel de l'icône. Il se produit des métamorphoses inattendues ­ métamorphoses qui quittent le champ de l'horizon attendu et de sa logique. C'est ce qui lui fait dire :
exergue
Ce dynamisme est renforcé par la richesse inépuisable de techniques artistiques qu'il plie à l'individualité des différents motifs et sujets : dessin, aquarelle, peinture, collage et découpage font tous partie de ses registres.
Son maniement de l'intertextualité visuelle ne recule pas non plus devant Walt Disney et les citations graphiques font partie de son répertoire ironique. Chez Edelmann, la rigidité de la typographie se transforme en un jeu de thèmes et variations qui s'intègrent avec une grande finesse dans l'ensemble de la composition.
Là où il se trouve obligé de focaliser le message, il évite les réductions simplifiantes en recourant au principe de la série. Il a ainsi réalisé des suites d'affiches thématiques, dans la tradition de l'imagerie populaire ou de la séquence cinématographique. Ainsi, le genre sériel l'a conduit à réduire l'élément typographique au profit de l'icône.
Frieder Mellinghoff, conservateur
du musée de Essen (Allemagne).
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