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Rencontre avec Istvan Orosz![]() |
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Gianfranco Torri / Cher Istvan Orosz, peux-tu te livrer à l'exercice difficile d'une brève présentation de ton travail, en évoquant les sources iconographiques auxquelles tu fais référence et aux techniques de la gravure du XlXème siècle qui te passionnent tant ? |
Istvan Orosz / Les encyclopédies de la fin du XlXème siècle étaient pleines de gravures. Elles étaient la représentation fidèle de la réalité. Il s'agissait pour les lecteurs d'une véritable source d'information. Ma façon de " raconter " fait référence à cette technique en la reformulant de manière ironique ou surréaliste. Je me suis réhabitué à ce monde en y accédant de manière transversale par l'histoire de l'art et le " maniérisme ". Lorsque j'étais étudiant à l'Académie des Beaux-Arts, je m'intéressais de près à la réalisation d'images qui donnaient lieux à différents niveaux de lecture. A cette époque, j'ai participé à un concours international pour la réalisation de la couverture de la revue américaine " Print ". J'ai obtenu le premier prix avec un alphabet en formes d'étranges insectes, un travail ayant une double signification évidente. Naturellement j'étais très satisfait de ce premier prix et je crois que cela m'a convaincu de poursuivre dans cette direction après avoir terminé mes études. Cette habitude de porter d'avantage son attention à une " seconde signification " cachée, plutôt qu'à celle qui apparaissait à la première lecture, était très répandue en Europe Centrale. |
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GT / Il me semble que souvent tes dessins et tes affiches présentent divers niveaux de lecture, mais que cela est moins vrai dans les images politiques. |
IO / En fait, mes affiches politiques sont directes. Je ne crois pas qu'elles comportent de sous-entendus. | ||
GT / Je souhaiterais en savoir davantage sur ta méthode de travail. Il me semble que tu utilises toujours des images complexes. Prenons le cas de l'affiche " Camarade, adieu ", comment l'as-tu réalisée ? |
IO / Je commencerai par dire qu'il est bien difficile de passer à la réalisation définitive de la première solution à laquelle j'ai pensé. Cette fois encore j'avais commencé par dessiner la nuque de l'homme. Elle avait été faite sans penser à quelque chose de précis. Et dans un deuxième temps, avec l'adjonction de la casquette de l'officier russe, le tout est devenu une image à afficher sur les murs. | ||
GT / Ta méthode de travail est très différente de celle de Peter Pocs. L'impression que j'ai de ta façon de procéder est que l'effet final sur le plan de l'image, est le résultat d'une série d'opérations de type elliptique, très complexes, beaucoup moins " directes " que celles de Peter. Est-ce exact ? |
IO / Je veux te répondre en te montrant le schéma de l'affiche que je prépare pour une exposition à la " Pecs Gallery ". C'est une réponse possible à ce que tu me demandes. Tu vois : le dessin représentant un oeil qui regarde la lune à travers le reflet de son image.![]() Istvan Orosz |
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GT / Dans un sens il me semble que cette image résume ta façon de procéder concernant la retranscription du réel. Un autre aspect de ton activité concerne le cinéma d'animation. Quelle place tient-il par rapport au reste de ton activité ? |
IO / Je crois que travailler dans ce domaine, n'est pas très différent du reste. J'utilise un langage différent, les images sont en mouvement et se confrontent, surtout à la dimension temporelle. Une dimension qui m'intéresse beaucoup en ce qui concerne mon travail dans le domaine de la gravure (voir l'eau-forte dans laquelle paraît le visage de Durer) où l'élément " distance de la vision " joue un rôle important (et selon le point de vue d'où on se place, les gravures se voient différemment : apparaissent ou non des images contenues à l'intérieur de l'image principale), comme aussi le temps consacré à la vision de l'oeuvre. Aspects bien moins présents, pour ne pas dire insignifiants, dans le cas de l'affiche. |
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GT / Ta récente activité t'a valu de nombreux prix internationaux : médaille d'or aux biennales d'Art graphique de Brno en 1990, et à celle de l'affiche de Lahti en 1991. Ta présence au " Mois du Graphisme ", tout cela me semble être des signes, qui confirment, s'il en était besoin que ton travail est reconnu internationalement.
Une deuxième curiosité : en 1984, tu avais fondé l'association " Amis de Jules Verne ", pourquoi l'as-tu fondée et que représentait-elle ? |
IO / L'idée était d'attribuer un prix, non officiel, à un moyen d'expression ayant un lien avec l'aventure. Le prix n'a été attribué qu'une seule fois avec une cérémonie magnifique et une grande fête. Il a été attribué au metteur en scène d'un film consacré à Jules Verne. Non pas tant pour le sujet, mais beaucoup plus pour l'aventure qu'avait été sa réalisation. A l'époque les prix étaient gouvernementaux, ils étaient attribués par des institutions étatiques. Notre initiative se plaçait en dehors de cette logique. Elle représentait une espèce de contre-prix. |
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Rencontre avec Peter Pocs![]() |
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Gianfranco Torri / Une question rituelle, Peter Pocs. Depuis quand es-tu graphiste et combien d'affiches penses-tu avoir réalisées ? |
Peter Pocs / J'ai commencé à travailler en 1972. J'ai dû donner aux imprimeries plus de 200 affiches. J'ajoute que quelques 80 projets sont restés au stade de la proposition. | ||
GT / Il me semble qu'au début de ton activité tu utilisais des techniques de représentation très différentes les unes des autres ? |
PP / J'ai été formé à l'école polonaise de l'affiche. A l'intérieur de leur culture graphique, au contact d'une conception de l'affiche d'une grande rigueur intellectuelle. Attitude très courante en Pologne, mais qui ne l'était pas autant en Hongrie. Puis j'ai travaillé à l'élaboration d'un imaginaire personnel qui, partant de l'influence polonaise, replace mon activité dans un cadre culturel plus proche de mon pays. |
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GT / Quel est le graphiste polonais qui t'a particulièrement intéressé ? |
PP / Je dirais Starowieyski, surtout à mon arrivée en Pologne. Puis lorsque j'ai connu les différents auteurs qui caractérisaient " L'école de Varsovie " des années 70, j'ajouterai : Czerniawski, Cieslewicz, Tomaszewski. Aujourd'hui j'ai encore beaucoup d'admiration pour Starowieyski, mais les réalisations de Tomaszewski et Swierzy m'intéressent davantage. Quant à Cieslewicz il travaille en France et je n'ai pas souvent eu l'occasion de voir sa récente production. |
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GT / Un graphiste qui ne ferait pas partie de l'école polonaise mais qui te paraît également important ? |
PP / Mes premiers maîtres ont été polonais. Tout ce que j'ai appris d'eux fait partie de mon bagage culturel. Mais au cours des années je suis sorti de leur influence et nombreuses sont les personnalités qui m'ont intéressé. En général je suis attiré par les auteurs à très forte personnalité : Milton Glaser, Grapus, Le Quernec, Günter Rambow, la récente génération des polonais. Pour citer le cas de la France, les différences entre les auteurs sont évidentes mais elles s'inscrivent dans le cadre d'une école nationale : " L'affiche à la française ". En ce qui concerne les japonais, Fukuda et Tadonori Yokoo sont dotés d'une personnalité originale. |
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GT / Faisant référence à ta récente production, je dois dire que je suis très intéressé par ta façon de travailler. Tu réalises des " sculptures " qui sont ensuite traitées photographiquement. Puis elles sont intégrées à l'image complexe de l'affiche. Quel est le chemin qui t'a amené à ce résultat ? |
PP / Ce n'est pas l'aspect technique qui compte, mais mon investissement personnel dans les travaux que je produis. Quand je réalise une " sculpture de chambre " pour mes affiches, c'est le premier moment important. Ensuite, en agrandissant photographiquement l'image du travail réalisé, je mets en évidence les signes de la manipulation. Je pense que tout cela est très important pour moi. Plus généralement je crois que l'affiche constitue un récit métaphorique qui surprend sur le plan visuel et si possible frappe avec force. Voilà les idées auxquelles je fais souvent référence. Je pense que le fait de réaliser des affiches est toujours un moment d'une extrême individualité. Dans un monde dans lequel la tendance générale est la disparition de l'individu, je crois être une personne particulièrement chanceuse parce que, au contraire, je parviens, par mon travail, à développer ma personnalité; et je réussis à l'exprimer à travers ce que je produis.![]() Peter Pocs |
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GT / Pour revenir à ta récente production. Réaliser ces formes t'a conduit à privilégier le terrain de la photographie... |
PP / On perçoit mieux cette dimension en prenant pour exemple l'affiche réalisée pour " Les aventures de Pinocchio ". " La sculpture de chambre " de départ a été faite avec de la farine, de l'eau et du sel. Puis les formes ainsi obtenues ont été peintes, puis on est passé à la phase photographique. Il ne s'agit donc pas d'une simple reproduction de l'objet mais d'une retranscription visuelle. La réalisation de l'image photographique doit être le prolongement de l'idée à laquelle je travaille. En général je collabore avec deux photographes : Peter Walter et Làszlo Haris. ![]() Peter Pocs |
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GT / Quel espace consacres-tu à l'affiche politique, à l'intérieur de ta production ? |
PP / Si je dois faire référence aux affiches à caractère strictement politique, en les séparant nettement du reste, il me faut souligner qu'en réalité, la politique était déjà présente dans ma production d'affiches culturelles. Parlant d'autre chose, les références générales étaient le cadre social dans lequel les événements survenaient, soit directement, soit par allusion. C'étaient des images à lire entre les lignes. Dans beaucoup de mes travaux, était et est présent un élément de tristesse, de dépression. Mais telle était notre situation. C'était un rire (parfois) pour ne pas pleurer. Nous vivons une phase historique de crise économique, de graves problèmes non résolus. Tout cela est présent dans tous ce que je réalise. Il va sans dire que jusqu'à un certain point de mon activité, je n'avais jamais fait d'affiches politiques. Puis au contraire je suis passé par une phase de production. En 1989, en Hongrie, on pouvait noter les signes du changement. Quelques-unes de mes affiches étaient déjà présentes à Echirolles dans ton exposition " L'affiche des Pays de l'Est ". C'était la période où nous espérions tous un réel changement, tant la confiance et l'espérance étaient diffuses. L'impression était celle de pouvoir participer activement à un processus général de renouvellement. On pariait sur un futur possible. Cet enthousiasme n'a pas duré longtemps. J'avais réalisé une série de trois affiches pour le parti des démocrates-libéraux dans lesquelles le texte affirmait : " Nous savons Nous avons le courage Donc nous faisons ! ". Ce discours ne serait plus possible aujourd'hui. Donc pour l'instant ma période " affiche politique " est terminée. |
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GT / Une dernière question sur le groupe, DOPP (Ducki, Orosz, Pinczehelyi, Pocs) que j'avais rencontré en 1990. Qu'est-il devenu ? |
PP / C'est désormais une histoire qui appartient au passé. Une histoire qui a été importante pour le graphisme en Hongrie mais qui est terminée. La naissance et l'affirmation de ce groupe a eu une logique et une fonction. Nous étions quatre auteurs de styles et de personnalités très différents, mais possédant une base culturelle commune. Les liens à l'intérieur du groupe étaient très étroits, même s'il existait un espace pour l'initiative individuelle. En ce qui concerne la dissolution du groupe DOPP j'assume ma part de responsabilité. J'ai pensé que travailler ensemble avait un sens malgré les différences qui nous caractérisaient. C'était oublier le dicton populaire qui affirme![]() Imaginons quand il y en a quatre ! Propos recueillis par Gianfranco Torri, pour le Mois du graphisme d'Echirolles. Hiver 1992 |