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Interview du groupe Pilot![]() |
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Nous avons demandé aux membres du groupe de se définir en répondant à quelques questions. | |||
Pekka Loiri / La signification du groupe " Pilot " ? C'est très simple, nous avons mis ensemble les initiales des noms de familles des composants du groupe : Piippo, Loiri et pour Tapani Aartomaa il a été utilisé le T de Tapsa, qui est l'appellation avec laquelle il est connu de tous, étudiants et amis. | |||
Kari Piippo / Il ne s'agit pas évidemment d'un seul jeu d'initiales. Dans le sigle Pilot, il y a aussi de notre travail d'enseignant du graphisme à l'University of Industrial Arts d'Helsinki. Travail qui au fond consiste dans le " pilotage " des étudiants, dans la phase finale d'apprentissage du métier. Cela consiste à leur fournir des indications, leur faire des suggestions pour un parcours d'enseignement et de culture qui a comme centre les arts visuels. | |||
Gianfranco Torri / Quelles sont les tendances du graphisme international qui ont été particulièrement importantes pour vous ? |
PL / Je crois que les Polonais ont été ceux qui nous ont le plus intéressé et probablement influencé. La rencontre avec l'affiche polonaise nous a confronté à une production qui mettait l'accent plus particulièrement sur la qualité de l'image. | ||
GT / Peut-on dire que l'école polonaise avait mis au centre de ses préoccupations l'élément culturel ? L'affiche comme moment de communication dialoguant avec l'artistique et le figuratif ? |
KP / L'affiche polonaise fut pour moi d'une extrême importance. Elle m'a montré comment travailler dans le domaine du graphisme en étroite relation avec l'artistique. J'ai souvent été en Pologne dans les années 70. J'avais l'impression de subir un véritable choc visuel. Je découvrais que réaliser une affiche pouvait constituer sur tous les plans aussi un moment d'expression artistique. A mon retour en Finlande, je n'étais confronté qu'à une production de type commerciale et peu intéressante. | ||
GT / Tout ceci arrivait avant que vous et d'autres décidiez de travailler de façon différente ? |
KP / Je retiens que la caractéristique de ces années-là fut, pour nous, une nouvelle phase qui s'ouvrait au niveau graphique : le passage à une possibilité de travail professionnel dans le secteur du graphisme culturel. Possibilité qui était bien insuffisante auparavant. | ||
GT / Quel est aujourd'hui à côté de l'affiche l'essentiel de votre activité ? |
PL / Mon travail concerne d'abord le domaine du graphisme dans l'édition. Je réalise des couvertures et des illustrations en m'occupant aussi des autres aspects du projet (choix du format, du papier, des caractères, etc...). KP / Je réalise aussi des illustrations. Elles constituent en priorité un aspect important de mon activité. Aujourd'hui mon attention se porte d'abord sur la production de l'affiche. PL / Il va sans dire que l'affiche culturelle n'est pas particulièrement rentable économiquement. En Finlande, il n'est pas possible de travailler seulement dans ce secteur. Chacun de nous réalise aussi des images de marque et des logotypes, bien mieux payés. Tapani Aartomaa s'occupe également de typographie et d'images de synthèse. KP / Un moment de possible référence a pu être, à côté de celui représenté par les Polonais, celui de l'école suisse des années 70. Nous sommes aujourd'hui intéressés par le travail de Rosemarie Tissi ou de Werner Jeker. PL / Il faut préciser qu'au-delà des influences de quelques écoles internationales, il a été déterminant pour notre " modus operandi " de tenir toujours compte de notre tradition nationale. Et donc de tendre à la réalisation de communications très simples et directes. On peut, dans ce sens, établir un lien avec le design industriel finlandais dans lequel il existe une tendance constante à la production d'objets dotés des modalités d'utilisation, avec une présence constante de la couleur. KP / On peut parler, je crois, d'une extrême importance accordée à la fonction. Mais il faut en chercher la référence dans l'ancienne culture finlandaise plutôt que dans la tradition du Bauhaus. Culture qui a toujours mis en avant l'aspect pratique d'une réponse la plus directe possible aux exigences auxquelles on se mesurait. PL / Je crois qu'il faut faire allusion à certaines choses qui caractérisent notre pays, comme par exemple le manque de lumière pendant une grande partie de l'année et les températures très basses durant de longues périodes. Tout cela a fait qu'il a fallu affronter les problèmes avec un esprit pratique. KP / Nous avons présent à l'esprit le risque que le discours graphique se dilue dans des aspects plus liés à la forme, à la décoration. Nous sommes au contraire intéressés par une réponse fonctionnelle, qui dans notre cas ne peut qu'être celle de la communication. | ||
GT / Dans l'article paru dans " Projekt " à l'occasion de ton exposition en Pologne, tu fournis une brève définition de l'aspect qui me semble peut-être caractériser au moins une partie du graphisme finlandais. Tu utilises la notion " d'art of scarsity " (art de l'essentiel). Peux-tu préciser ta pensée ? |
KP / Il est évidemment hasardeux de définir en quelques mots une problématique aussi complexe. Pour moi peut-être on peut parler de " minimum est maximum " : c'est à dire la tendance à un projet graphique réduit à ses termes essentiels. Ce qui me semble être le maximum du résultat possible. Je dirais que c'est la direction opposée à celle d'un graphisme dans lequel la décoration joue un grand rôle, l'opposé du néo-baroque... | ||
GT / Cela m'intéresserait d'avoir une indication sur ce qu'ont été pour vous les expériences culturelles parallèles à celle du graphisme. |
Tapani Aartomaa / Pour moi il s'agit de l'architecture, où le facteur couleur a toujours joué un rôle extrêmement important. Dans mon travail j'utilise souvent la couleur comme élément caractérisé par une forte charge émotionnelle. Mais je suis aussi très attiré par tout ce qui touche au domaine des arts figuratifs. Dans mes travaux, je prends toujours une référence quelquefois indirecte, dans la peinture, dans le dessin, domaine dont la connaissance est, pour moi, indispensable. KP / J'ai fait beaucoup d'affiches pour le théâtre et je travaille depuis 20 ans avec le théâtre de Mikkeli. Dans un projet théâtral il y a toujours un ensemble de facteurs qui caractérisent la mise en scène. Tapani disait que pour lui la couleur est d'une extrême importance : pour moi, au contraire, je porte le plus d'attention au rapport entre le blanc et le noir. Au début je travaille seulement avec le noir sur une feuille de papier blanc. La couleur arrive, pour moi, seulement dans un deuxième temps. | ||
GT / Comment réalises-tu une affiche pour le théâtre ? Tu pars de la lecture des textes, tu suis les répétitions, tu parles avec les acteurs, le metteur en scène, les décorateurs ? |
KP / Oui, bien sûr mais je dois tout de suite préciser que ma méthode de travail est très autoritaire. Au début, je discute beaucoup, je rassemble beaucoup d'éléments, pour arriver à une unique proposition d'affiche. Je mets l'accent sur une idée très forte sur le plan visuel, et je la présente au directeur du théâtre. La réponse est en général positive. Je dois dire, par honnêteté, que l'idée que je réalise sur le plan visuel m'est souvent venue dès le début, à la première lecture du manuscrit. PL / Je pense que ce qui est le plus important pour moi, c'est la référence au monde de la musique classique, et en particulier à celle de l'opéra. L'opéra lyrique c'est quelque chose qui présente des contrastes forts au niveau de la scène et de la musique, qui n'a pas de liens directs avec les événements, avec la réalité, mais qui les retranscrit dans un mode symbolique. J'ai toujours été intéressé, depuis ma jeunesse, par le langage symbolique et cela a influencé les aspects plus directement liés à ma vie professionnelle. | ||
GT / La dernière question concerne le rapport existant entre votre travail de professionnels et celui d'enseignants au département de graphisme de l'UIAH où vous enseignez tous les trois. |
PL / Aucun de nous n'exerce la moindre influence sur les étudiants, du fait qu'ils prendraient exemple sur notre manière de travailler. Lorsque nous analysons les résultats obtenus, nous sommes toujours sur un pied d'égalité, chacun s'exprime toujours très librement. Les évaluations ne sont pas faites nécessairement par l'enseignant de la classe, mais elles intéressent tout le monde. En dernière analyse, je crois pouvoir dire que ce qui nous rassemble sur le plan de l'enseignement est un continuel travail de recherche d'idées nouvelles ; pour ce qui est de la réalisation individuelle, comme dans le cas de l'affiche, il est évident que chacun agit comme il l'entend. KP / Il faut rappeler que Tapsa est le directeur responsable de notre département, il va aussi sans dire que c'est très démocratique ! PL / Concernant la coordination des projets pédagogiques et la discussion collective de notre travail, il faut tenir compte que Piippo vit à Mikkeli à 150 Kms de Lahti où habite Tapsa et à 250 Kms d'Helsinki où j'ai mon atelier. Tout ceci complique un peu les choses. Propos recueillis par Gianfranco Torri, pour le Mois du graphisme d'Echirolles. |