Le Mois du Graphisme
 
  L' EXPOSITION
Un combat, des symboles
Un siècle d'affiches politiques
en Europe
L’allégorie tente d'exprimer concrètement une idée générale : courage, beauté, force… Le symbole, au contraire cherche à transcender un concept particulier et isolé que l’on souhaite porter au sens général. Il utilise, par exemple un objet, ou un élément du corps humain qui en devient la représentation.
La main est sans conteste l’élément du corps humain qui apparaît le plus tôt – dès l’ère du paléolithique – et le plus souvent en symbolique. Ses significations, négatives ou positives, sont nombreuses, mais expriment la plupart du temps le pouvoir magique, la puissance divine ou royale. Souvenons-nous du geste royal d’inspiration divine qui accompagne les rois de France jusqu’à Louis XVI : « le Roi te touche, Dieu te guérit ».


 
F.N.J.G.S. Fédération nationale
des jeunes gardes socialistes.
Q. Daemen, 1935, Belgique - 90 x 62 cm
Coll. Mundaneum,
répertoire iconographique universel, Mons.

Le poing révolutionnaire, haut levé, est un signe de reconnaissance des insurgés, des sans voix. “ Les cinq doigts de la main “ unis, fermés sur eux mêmes, symbolisent la force. « Prolétaires de tous les pays, unissez-vous » incitait le manifeste du Parti communiste de Marx et Engels. Une nouvelle imagerie politique se forge ainsi dès la fin du XIXe siècle et génère à son tour une contre-imagerie. Le poing fermé s’abat sur la société traditionnelle et la détruit, prédisent les tenants de l’ordre libéral.

Adopté dans les années 1970 par le nouveau Parti socialiste français, il serre une rose rouge. Manière de signifier une transformation pacifique et réformiste de la société, tout en ne reniant pas les origines contestataires du socialisme.


 
Le bolchevisme apporte
la guerre, le chômage
et la famine.
Union pour la lutte contre
le bolchevisme
Julius Ussy Engelhard,
1918 Allemagne - 116 x 81 cm
Coll. Bibliothèque nationale
d’Autriche, Vienne

La lutte idéologique se faisant plus féroce, en particulier entre les deux guerres mondiales, le bestiaire fantastique vient à la rescousse du slogan politique dans l’affiche. Directement inspirés des caricatures de presse, de la fin de la deuxième moitié du XIXe siècle, la pieuvre, le crocodile et autres animaux font leur apparition en grand format, quand il ne s’agit pas du détournement de la symbolique nationale : le coq, le lion, l’aigle… Pour accentuer la dénonciation et créer un phénomène de peur collective, rien ne vaut “la bête immonde” qui symbolise le mal. La vision démoniaque n’a d’autre but que souligner le danger, et légitimer le rejet brutal, par la force si nécessaire.



 
Jo-Jo-la colombe.
Paix et Liberté
Anonyme, 1951, France
Coll. particulière
Bernard Champelovier

Pourtant, la colombe associée au rameau d’olivier qu’elle remet à Noé est un signe de paix envoyé par Dieu aux hommes. Elle tient tête au faucon de la guerre, et perdure, encore de nos jours dans nombre d’illustrations d’articles qui traitent de la paix et de la guerre.

Tenue en laisse par Joseph Staline, elle est un leurre pour le mouvement anticommuniste, Paix et Liberté. Jo-Jo-la colombe présente un Staline à l’allure débonnaire qui masque ses véritables intentions belliqueuses derrière la colombe et le panneau Paix qu’il brandit de la main droite. Son bras gauche, orné de la faucille et du marteau, se prolonge d’une arme redoutable du Moyen-Âge.


 
29 août 1943,
50e anniversaire de la révolte contre le nazisme
et le racisme.
Per Arnoldi, 1993, Danemark - 140 x 100 cm
Coll. La Maison du livre et de l’affiche Les Silos, Chaumont.

Le logo est le symbole par excellence du parti politique. Tristement célèbre est le svastika récupéré par le nazisme. Chez les Germains, l’amulette du marteau de Thor est représentée sous la forme de la croix gammée. Per Arnoldi s’en empare pour la démembrer et ne laisser subsister, au centre de son affiche, qu’une croix blanche. Au-delà du symbole chrétien, la croix est un symbole d’unité. De 1935 à 1945 la croix gammée placée sous l’aigle impériale devient le symbole du Troisième Reich et orne bannières nazies et brassards SS.



 
Parti.
Wlodzimierz Zakrzewski,
1955, Pologne - 130 x 164,5 cm
Coll. Pierre-Michel Zaleski
en dépôt au Centre de la gravure et
de l’image imprimée, La Louvière.

L’affiche polonaise Partia, livre une image héroïque et romantique du Parti unique. L’allégorie de l’homme à la barre, n’a pas d’autre but que de magnifier le rôle du parti unique ; impression que renforce encore le traitement de l’image. Un procédé que nous retrouverons avec l’affiche du CHE, devenue l’icône de la révolte toutes générations confondues depuis 1968. Aujourd’hui, de grandes marques de distributeurs n’hésitent pas à s’approprier et à détourner ces images contestataires de 1968, pour augmenter leur chiffre d’affaires. Mais c’est une autre histoire.



 
Solidarité avec
le peuple polonais.
PSU Bretagne
Alain Le Quernec, 1982, France
Coll. de l’auteur.

Tout autre est l’objectif d’Alain Le Quernec qui montre Lénine la larme à l’œil arborant le logo Solidarnosc. Manière pour l’auteur de marquer sa solidarité avec le peuple polonais par cette affiche réalisée en 1982. Le point de vue adopté, légèrement en contre-plongée, donne à Lénine une position bienveillante inspirant le respect. Pour la petite histoire, l’affichiste avait proposé une affiche, montrant cette fois Staline l’œil gauche poché. Affiche refusée.

En 1914, James Montgomery Flagg crée l’affiche “I want you” qui montre l’oncle Sam pointant du doigt le passant.
Seymour Chwast en 1965 lui fait résonnance et dénonce la guerre du Vietnam en un superbe retournement de sens. La bouche grande ouverte de l’oncle Sam montre l’aviation bombardant les villages vietnamiens. Le texte explicite le message tout en gardant la métaphore “Stop à la mauvaise haleine”.
En 1994, Andrea Rauch détourne à son tour l’affiche de Seymour Chwast pour dénoncer la mainmise de Silvio Berlusconi sur les principales chaînes de télévisions italiennes. La bouche du personnage est remplacée par le téléviseur. “Cela suffit avec la mauvaise haleine” insiste Andrea Rauch.
On peut également faire le rapprochement avec une autre affiche de 1968, de Jean Effel, qui dénonce l’ORTF (Office de radio et télévision française) aux ordres du gouvernement français. Le rectangle blanc qui avait fait son apparition peu de temps auparavant en bas à droite des téléviseurs indiquait les programmes réservés aux adultes. L’utilisation de ce nouveau signe télévisuel dénonce ici un pouvoir qui feint de considérer le peuple comme mineur afin de mieux maîtriser l’information.
Les combats idéologiques ont perduré aux conflits armés territoriaux.
 
 
 
 
 
Stop à
la mauvaise haleine
Seymour Chwast, 1965,
États-Unis – 70 x 100
Coll. de l’auteur
 
Cela suffit avec
la mauvaise haleine
Andrea Rauch, 1994,
Italie – 48,5 x 69 cm
Coll. Centre du graphisme
et de la communication visuelle
d’Échirolles
 
Jean Effel, Mai 68,
France – 80 x 60 cm
Coll. particulière Bernard Champelovier
 
      Depuis les années 1970, période de relatif dégel entre les deux grandes puissances du moment (URSS et USA) et surtout depuis 1989, chute du mur de Berlin… de nouveaux combats tiennent le devant de la scène politique et mondiale. à la revendication de la liberté sexuelle, et de l’égalité femme-homme de la fin des années 1960 et des années 1970, ont succédé la lutte contre le SIDA, la lutte contre la faim dans le monde, et plus récemment encore la lutte pour la protection de l’environnement et pour un commerce équitable. La symbolique du passé est réactualisée (recyclée pourrait-on dire) dans ces nouveaux combats. La tête de mort prévient contre la drogue. Le préservatif fait son apparition. Le combat est devenu préventif.