Aller en Galilée, v. Remanier, en remettre en galée. M. Ch. Sauvestres, qui, lui aussi, est un ancien typo devenu journaliste, nous signale cette expression pittoresque : « Aller en Galilée, dit-il, c’est faire des remaniements qui nécessitent le transport d’une page ou d’une portion de page du marbre, oò elle était en forme, dans la galée, sur la casse. Aller en Germanie n’est rien, comparativement au guignon d’aller en Galilée. » Galilée est évidemment une corruption plaisante de galée.

 

Aller en Germanie, v. Remanier. Cette expression, d’allure si preste, s’applique pourtant, comme on voit, à une chose très désagréable pour le compositeur. Lorsqu’il a commis un bourdon ou un doublon et qu’il est forcé de remanier un long alinéa, on dit qu’il va en Germanie. Cette locution, récemment introduite dans quelques ateliers, vient-elle de nombreux remaniements que la Prusse a fait subir, depuis 1866, à la carte d’Allemagne, et même hélas ! à la carte de France ?

Un vieux typographe nous fait remarquer que cette locution : Aller en Germanie, dont on n’aperçoit pas distinctement l’origine, que nous venons tout à l’heure de chercher au-delà du Rhin, est purement et simplement une corruption. Quand un compositeur a commis un bourdon, il s’écrie de mauvaise humeur : Allons ! bon ! il faut que je remanie. D’oò aller en JE REMANIE, puis en Germanie.

 

Amphibie, s. m. Ouvrier typographe qui est en même temps imprimeur ou correcteur.

 

Article 4 (Payer son), v. Payer sa bienvenue en entrant dans un atelier.

Voici l’origine de cette expression. Dans le temps oò les compositeurs portaient l’épée, chaque imprimerie formait une sorte de confrérie ou chapelle régie par un règlement. Ce règlement stipulait le nombre d’exemplaires que les éditeurs et les auteurs devaient laisser à la chapelle. Ces exemplaires étaient vendus, et l’argent qu’on en retirait consacré à fêter la Saint-Jean-Porte-Latine et la Saint-Michel. L’article 4 de ce règlement, le seul qui soit par tradition restée en vigueur, déterminait tous les droits dus par les typographes. On ajoute quelquefois, en parlant de l’article 4, les mots verset 20, qu’il faut traduire : « Verser vin ». Dans le nord de la France, on dit payer ses quatre heures au lieu de payer son article 4.

 

Attrapance, s. f. Vive dispute.

 

Attraper, v. a. Faire des reproches, chercher noise à un compagnon dont on croit avoir à se plaindre.

 

Attrape-science, s. m. Nom ironique par lequel les ouvriers désignent quelquefois un apprenti compositeur. L’attrape-science est l’embryon du typographe ; la métamorphose demande trois à quatre ans pour s’accomplir ; vers seize ou dix-sept ans, la chrysalide est devenue papillon, et le gamin s’est fait ouvrier. À l’atelier, il a une certaine importance : c’est le factotum des compositeurs ; il va chercher le tabac et fait passer clandestinement la chopine ou le litre qui sera bu derrière un rang par quelconque compagnon altéré. il va chez les auteurs porter les épreuves et fait, en général, plus de courses que de pâté. Quand il a le temps, on lui fait ranger les interlignes ou trier quelque vieille fonte ; ou bien encore il est employé à tenir la copie au correcteur en première, besogne pour laquelle il montre d’ordinaire une grande répugnance. Parfois victime des sortes de l’atelier, il en est aussi le complice ou le metteur en œuvre. Il nous revient en mémoire une anecdote dont le héros fut un apprenti. Ses parents habitant dans un faubourg, notre aspirant Gutenberg apportait à l’atelier sa fripe quotidienne, dont faisait souvent partie une belle pomme. Le gaillard, qui était un gourmet, avait soin de la faire cuire en la plaçant sur un coin de poêle. Mais plus d’une fois, hélas ! avant d’être cuite, la pomme avait disparu, et notre apprenti faisait retentir les échos de ses plaintes amères : « Ma pomme ! on a chipé ma pomme ! » La chose s’étant renouvelée plus souvent que de raison, l’enfant s’avisa d’un moyen pour découvrir le voleur. Un beau jour, il apporta une maîtresse pomme qu’il mit à cuire sur le poêle. Comme le gamin s’y attendait, elle disparut. Au moment oò il criait à tue-tête : « On a chipé ma pomme ! » on vit apparaître un grand diable cracher avec dégoôt ; ses longues moustaches blondes étaient enduites d’un liquide noirâtre et gluant, et il avait la bouche remplie de ce même liquide. C’était le chipeur qui se trouvait pris à une ruse de l’apprenti : celui-ci avait creusé l’intérieur de sa pomme et avait adroitement substitué à la partie enlevée un amalgame de colle de pâte, d’encre d’imprimerie, etc. L’amateur de pommes, devenu la risée de l’atelier, dut abandonner sa place, et jamais sans doute il ne s’est frotté depuis à l’attrape-science.

Certains apprentis, véritables gamins de Paris, sont pétris de ruses et féconds en ressources. L’un d’eux, pour garder sa banque (car l’attrape-science reçoit une banque qui varie entre 1 fr. et 10 fr. par quinzaine), employa un moyen très blâmable à coup sôr, mais vraiment audacieux. Il avait eu beau prétendre qu’il ne gagnait rien, inventer chaque semaine de nouveaux trucs, feindre de nouveaux accidents, énumérer les nombreuses espaces fines qu’il avait cassées, les formes qu’il avait mises en pâte, rien n’avait réussi : la mère avait fait la sourde oreille, et refusait de le nourrir plus longtemps s’il ne rapportait pas de l’argent à la maison. Comment s’y prendre pour dîner et ne rien donner ? Un jour d’été qu’il passait sur le pont Neuf, une idée lumineuse surgit dans son esprit : il grimpe sur le parapet, puis se laisse choir comme par accident au beau milieu du fleuve, qui se referme sur lui. Les badauds accourent, un bateau se détache de la rive et le gamin est repêché. Comme il ne donne pas signe de vie, on le déshabille, on le frictionne, et, quand il a repris ses sens, on le reconduit chez sa mère, à laquelle il laisse entendre que, de désespoir, il s’est jeté à l’eau. La brave femme ajouta foi au récit de son enfant, et jamais plus ne lui parla de banque. Le drôle avait spéculé sur la tendresse maternelle : il nageait comme un poisson et avait trompé par sa noyade simulée les badauds, ses sauveurs et sa mère.– Nous retrouverons cet attrape-science grandi et moribond à l’article LAPIN.

À l’Imprimerie nationale, les apprentis sont désignés sous le nom d’élèves. Il en est de même dans quelques grandes maisons de la ville.

 

Avaro, s. m. Avanie, et aussi accident. Nous orthographions ce mot à tout hasard. Quelle en est l’origine ? Nous l’ignorons. Peut-être vient-il d’avarie.

 
     
  aller en galilee, v.remanier, en remettre en galee. m.ch. sauvestres, qui, lui aussi, est un ancien typo devenu journaliste, nous signale cette expression pittoresque: "aller en galilee, dit-il, c'est faire des remaniements qui necessitent le transport d'une page ou d'une portion de page du marbre, ou elle etait en forme, dans la galee, sur la casse. aller en germanie n'est rien, comparativement au guignon d'aller en galilee." galilee est evidemment une corruption plaisante de galee.

 

aller en germanie, v.remanier. cette expression, d'allure si preste, s'applique pourtant, comme on voit, a une chose tres desagreable pour le compositeur. lorsqu'il a commis un bourdon ou un doublon et qu'il est force de remanier un long alinea, on dit qu'il va en germanie. cette locution, recemment introduite dans quelques ateliers, vient-elle de nombreux remaniements que la prusse a fait subir, depuis 1866, a la carte d'allemagne, et meme helas! a la carte de france?

un vieux typographe nous fait remarquer que cette locution: aller en germanie, dont on n'apercoit pas distinctement l'origine, que nous venons tout a l'heure de chercher au-dela du rhin, est purement et simplement une corruption. quand un compositeur a commis un bourdon, il s'ecrie de mauvaise humeur: allons! bon! il faut que je remanie. d'ou aller en je remanie, puis en germanie.

amphibie, s. m.ouvrier typographe qui est en meme temps imprimeur ou correcteur.

article4 (payer son), v.payer sa bienvenue en entrant dans un atelier.

voici l'origine de cette expression. dans le temps ou les compositeurs portaient l'epee, chaque imprimerie formait une sorte de confrerie ou chapelle regie par un reglement. ce reglement stipulait le nombre d'exemplaires que les editeurs et les auteurs devaient laisser a la chapelle. ces exemplaires etaient vendus, et l'argent qu'on en retirait consacre a feter la saint-jean-porte-latine et la saint-michel. l'article4 de ce reglement, le seul qui soit par tradition restee en vigueur, determinait tous les droits dus par les typographes. on ajoute quelquefois, en parlant de l'article4, les mots verset 20, qu'il faut traduire: "verser vin". dans le nord de la france, on dit payer ses quatre heures au lieu de payer son article4.

attrapance, s. f.vive dispute.

attraper, v. a.faire des reproches, chercher noise a un compagnon dont on croit avoir a se plaindre.

attrape-science, s. m.nom ironique par lequel les ouvriers designent quelquefois un apprenti compositeur. l'attrape-science est l'embryon du typographe; la metamorphose demande trois a quatre ans pour s'accomplir; vers seize ou dix-sept ans, la chrysalide est devenue papillon, et le gamin s'est fait ouvrier. a l'atelier, il a une certaine importance: c'est le factotum des compositeurs; il va chercher le tabac et fait passer clandestinement la chopine ou le litre qui sera bu derriere un rang par quelconque compagnon altere. il va chez les auteurs porter les epreuves et fait, en general, plus de courses que de pate. quand il a le temps, on lui fait ranger les interlignes ou trier quelque vieille fonte; ou bien encore il est employe a tenir la copie au correcteur en premiere, besogne pour laquelle il montre d'ordinaire une grande repugnance. parfois victime des sortes de l'atelier, il en est aussi le complice ou le metteur en oeuvre. il nous revient en memoire une anecdote dont le heros fut un apprenti. ses parents habitant dans un faubourg, notre aspirant gutenberg apportait a l'atelier sa fripe quotidienne, dont faisait souvent partie une belle pomme. le gaillard, qui etait un gourmet, avait soin de la faire cuire en la placant sur un coin de poele. mais plus d'une fois, helas! avant d'etre cuite, la pomme avait disparu, et notre apprenti faisait retentir les echos de ses plaintes ameres: "ma pomme! on a chipe ma pomme!" la chose s'etant renouvelee plus souvent que de raison, l'enfant s'avisa d'un moyen pour decouvrir le voleur. un beau jour, il apporta une maitresse pomme qu'il mit a cuire sur le poele. comme le gamin s'y attendait, elle disparut. au moment ou il criait a tue-tete: "on a chipe ma pomme!" on vit apparaitre un grand diable cracher avec degout; ses longues moustaches blondes etaient enduites d'un liquide noiratre et gluant, et il avait la bouche remplie de ce meme liquide. c'etait le chipeur qui se trouvait pris a une ruse de l'apprenti: celui-ci avait creuse l'interieur de sa pomme et avait adroitement substitue a la partie enlevee un amalgame de colle de pate, d'encre d'imprimerie, etc. l'amateur de pommes, devenu la risee de l'atelier, dut abandonner sa place, et jamais sans doute il ne s'est frotte depuis a l'attrape-science.

certains apprentis, veritables gamins de paris, sont petris de ruses et feconds en ressources. l'un d'eux, pour garder sa banque (car l'attrape-science recoit une banque qui varie entre 1 fr. et 10 fr. par quinzaine), employa un moyen tres blamable a coup sur, mais vraiment audacieux. il avait eu beau pretendre qu'il ne gagnait rien, inventer chaque semaine de nouveaux trucs, feindre de nouveaux accidents, enumerer les nombreuses espaces fines qu'il avait cassees, les formes qu'il avait mises en pate, rien n'avait reussi: la mere avait fait la sourde oreille, et refusait de le nourrir plus longtemps s'il ne rapportait pas de l'argent a la maison. comment s'y prendre pour diner et ne rien donner? un jour d'ete qu'il passait sur le pont neuf, une idee lumineuse surgit dans son esprit: il grimpe sur le parapet, puis se laisse choir comme par accident au beau milieu du fleuve, qui se referme sur lui. les badauds accourent, un bateau se detache de la rive et le gamin est repeche. comme il ne donne pas signe de vie, on le deshabille, on le frictionne, et, quand il a repris ses sens, on le reconduit chez sa mere, a laquelle il laisse entendre que, de desespoir, il s'est jete a l'eau. la brave femme ajouta foi au recit de son enfant, et jamais plus ne lui parla de banque. le drole avait specule sur la tendresse maternelle: il nageait comme un poisson et avait trompe par sa noyade simulee les badauds, ses sauveurs et sa mere.– nous retrouverons cet attrape-science grandi et moribond a l'article lapin.

a l'imprimerie nationale, les apprentis sont designes sous le nom d'eleves. il en est de meme dans quelques grandes maisons de la ville.

avaro, s. m.avanie, et aussi accident. nous orthographions ce mot a tout hasard. quelle en est l'origine? nous l'ignorons. peut-etre vient-il d'avarie.